Une nouvelle affaire judiciaire, une de plus, est lancée contre Osman Baydemir, maire métropolitain de Diyarbakir, qui va comparaitre dans les prochains jours devant la 7ème Haute Cour de justice de la République de Turquie. Il est déjà impliqué dans le procès des “151“[[Rappelons qu’il s’agit de 151 maires, anciens maires, élus locaux, cadres du parti BDP (parti pour la pais et la démocratie) présidents d’associations, tous militants pour “la Paix et la Démocratie” accusés d’être tous membre d’une organisation prétendue “terroriste” le KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More.]] au cours duquel Daniel Delaveau, maire de Rennes, lui a apporté son soutien. Il lui est reproché cette fois-ci d’avoir assisté le 4 mai dernier aux funérailles de quatre de ses concitoyens de Diyarbakir, quatre combattants du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More tués les 27 et 28 avril précédents dans des affrontements opposant la guérilla kurde à l’armée turque. Le procureur, qui réclame une peine de 28 années d’emprisonnement, accuse le prévenu de “soutenir une organisation terroriste” et de “commettre un crime au nom d’une organisation terroriste sans en être pour autant membre”.
Les funérailles des combattants : l’étincelle qui met le feu
Les funérailles de combattants donnent lieu, dans tout le pays, à des cortèges de plus en plus imposants formés de dizaines de milliers de personnes ; ce sont autant de manifestations de soutien aux “martyrs”, intolérables aux yeux du pouvoir. Les charges policières n’arrivent pas à contenir dans une stricte cérémonie funèbre les pleureuses qui brandissent drapeaux du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et effigies d’Abdullah Öcalan. La répression renforce la contestation et grossit les rangs des manifestants, à la tête desquels se retrouvent élus locaux et députés, qui sont les premiers à être matraqués, comme la députée Ayla Akat Ata, par exemple, à Batman. Ces maires, ces députés, légalement élus et appartenant à un parti légal, le BDP, on les retrouve, comme le maire de Diyarbakir, accusés par une justice aux ordres d’être “la branche urbaine du PKK”. Plus de 4 500 membres du BDP ont été arrêtés au cours de six derniers mois ; 18 maires sur 99 et six députés BDP sont aujourd’hui en prison.
KCK : trois lettres, un mouvement en marche, un danger pour le pouvoir
L’affaire est d’importance car, dans l’impossibilité de taxer toute une population et tous ses élus d’être membres du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, une organisation “classée parmi les organisations terroristes par la Turquie, les Etats-Unis et l’Union européenne”, il convient donc de diaboliser le KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More, l’Union des communautés Kurdes qui ne se présente pas comme une “coordination”, à l’instar du DTK[[Le Congrès pour une Société démocratique (DTK) se présente comme une plateforme regroupant des personnalités et des organisations humanitaires, culturelles, politiques kurdes – dont le BDP. Il s’est prononcé le 14 juillet dernier pour une « autonomie démocratique. »]], mais comme un mouvement en marche, doté d’une gouvernance, proposant un changement de société, une alternative fédéraliste à un Etat centralisé. Le gouvernement AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More a compris le danger et c’est la raison pour laquelle tous les procès intentés aux militants et aux élus, associatifs et politiques, dont Osman Baydemir, reposent sur cette accusation d’appartenance, réelle ou supposée, à ce projet. Avec les mises en détention de l’universitaire Büşra Ersanlı et de l’éditeur Ragıp Zarakolu, le gouvernement a franchi la ligne jaune dans sa lutte pour garder le pouvoir.
“Je pense que ces opérations retardent l’instauration de la paix et de la démocratie”, écrit l’éditorialiste Hasan Cemal dans le journal libéral Milliyet qui ajoute : “la liberté d’expression est l’une des conditions indispensables à l’instauration d’une véritable démocratie. Si la Turquie est encore aujourd’hui une démocratie de seconde zone, c’est principalement parce que cette liberté y est entravée”.
Face au système AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More qui s’est imposé en noyautant, avec l’aide de la confrérie Gülen[[La confrérie de Fethullah Gülen passe pour l’un des réseaux musulmans les plus influents du monde.]], tous les rouages de l’appareil d’Etat, tous ces militants et leurs élus, prompts à descendre dans la rue pour revendiquer une autre gouvernance, sont une force, la seule peut-être, capable de contester, aujourd’hui, la politique gouvernementale et d’imposer, demain, un autre projet de société.
André Métayer