Lors de cette 22ème session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies qui se tient à Genève, PEC (Press Emblem Campaign) a attiré l’attention du secrétaire général sur la situation en Turquie des journalistes kurdes, concernant la liberté de la presse et de l’information et sur les risques qu’ils encourent dans ce pays. PEC est une organisation non-gouvernementale jouissant du statut consultatif spécial de l’ONU. Fondée en juin 2004 par un groupe de journalistes de plusieurs pays, elle bénéficie du soutien de près de 50 ONG et associations de journalistes dans le monde.
Notre organisation avait déjà alerté le Conseil lors de la 21e session, sur les conditions difficiles que doivent affronter les journalistes kurdes dans ce pays. Selon différentes sources, la Turquie est devenue le pire geôlier mondial de journalistes, avec 49 journalistes emprisonnés. Le droit des journalistes à enquêter librement, la liberté de pouvoir critiquer les politiques gouvernementales, ont considérablement diminué au cours des dernières années. La plupart des journalistes sont arrêtés et traduits en justice en vertu des lois anti-terroristes en vigueur et risquent de longues peines d’emprisonnement. Même les ONG internationales sont accusées par de hauts fonctionnaires gouvernementaux d’avoir des liens avec des activistes terroristes quant elles publient des rapports alarmants sur la liberté de la presse en Turquie.
PEC rappelle que la Commission des droits de l’homme, dans sa résolution 2003/42 sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, avait dénoncé l’évocation injustifiée de la sécurité nationale pour restreindre le droit à la liberté d’expression et d’information et exhorté les Etats à respecter leurs obligations découlant du droit international : « ils ne doivent pas prendre le prétexte de la lutte contre le terrorisme pour restreindre le droit à la liberté d’expression ».
PEC rappelle aussi les recommandations du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste demandant notamment de clarifier les définitions en ce qui concerne les actes qui constituent des crimes terroristes.
Le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression avait déjà, dans son rapport à la Commission des droits de l’homme en 2002, exprimé son inquiétude et, dans son rapport au Conseil des droits humains, souligné que la législation concernant la sécurité nationale contre le terrorisme avait dans de nombreux cas dépassé les limites de ce qui est permis en vertu du droit international.
Dans ce contexte, le droit à la liberté d’opinion et d’expression est particulièrement vulnérable au regard de la loi qui légitime de facto des limitations à la libre circulation et l’expression des idées et des opinions, affectant directement le travail des professionnels des médias, des défenseurs des droits de l’homme, des groupes politiques et de la société civile de façon plus générale. Les journalistes et les professionnels des médias sont devenus des cibles pour toutes les tentatives illégales visant à restreindre la liberté d’expression.
À la lumière de tous ces éléments, PEC invite le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, à surveiller les actes du procès collectif contre des journalistes kurdes en Turquie et de faire des rapports circonstanciés au Conseil des droits de l’homme.
André Métayer