Les séismes d’octobre et de novembre 2011 ont transformé la ville de Van (Wan en kurde), au Kurdistan de Turquie, en ville fantôme ; on dénombre à ce jour 672 morts et plus de 6000 blessés ; 80% des habitations sont détruites, la terre tremble encore, plus de 400 000 habitants ont fui la région, seules les familles les plus pauvres sont restées et se trouvent encore aujourd’hui dans le dénuement le plus complet. Une délégation européenne, conduite par Jan VAN AKEN, député allemand et biologiste, expert auprès de la Commission de contrôle, de vérification et d’inspection des Nations Unies (COCOVINU) à laquelle participaient, notamment, une ancienne députée Européenne, Feleknaz UCA, des avocates françaises, Clémentine Frances et Audrey Lerien, et Dominique Torre, au nom du Parti communiste français, s’est rendue sur place, au retour d’une mission d’enquête sur l’emploi d’armes chimiques menée dans la région de Cukurça après les bombardements suspects effectués par l’armée turque.
100 millions d’euros de dons reçu par Ankara
La délégation a découvert à Wan un vrai scandale humanitaire dont l’Etat turc porte l’entière responsabilité. Dominique Torre qui a passé quatre jours auprès des sinistrés témoigne :
Des personnes] meurent de froid par une température glaciale (moins 15°C), des enfants succombent à des pneumonies, en l’absence d’hygiène et de nourriture. Quelques médecins, des bénévoles, le personnel de la mairie de Wan, tentent, sans aucun moyen, de leur porter assistance”. Il n’y a ni eau ni sanitaires, les gens regroupés le soir autour de braseros improvisés essaient de survivre au froid, à la faim, à l’épuisement, à la terreur quand la terre gronde. Partout règnent la misère et la souffrance […] nous nous sommes tous interrogés sur l’utilisation des aides internationales envoyées en Turquie. Le gouvernement autonome du Kurdistan irakien a envoyé plusieurs millions d’euros et 200 préfabriqués. L’Ukraine a apporté 4 tentes pouvant abriter 20 personnes chacune, équipées de système de chauffage. Israël a envoyé 7 maisons préfabriquées. L’Union Européenne, l’Italie, la France, la Grande-Bretagne, le Japon, la Suisse, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Qatar, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et l’Egypte, la Belgique ont participé à cet élan de solidarité. Mais où sont donc passés tous ces dons destinés aux sinistrés ? Seules, l’armée et la police bénéficient des secours. Le croissant rouge kurde n’a toujours pas été autorisé par l’Etat turc à distribuer les dons en espèces et tente, en vain, de contourner le refus gouvernemental.
la municipalité de Wan n’a reçu aucun don
Le Maire de Wan, M. Bekir KAYA, a confirmé que la municipalité n’avait reçu aucun don :
La totalité a été versée au gouvernement turc, soit 100 millions d’euros. Deux millions ont été versés à l’armée tandis que le reste s’est évanoui. La consigne gouvernementale est, désormais, d’affirmer que la région n’est pas sinistrée. De telles déclarations sont une honte. Nous avons besoin de préfabriqués pour résister à l’hiver glacial, les médecins ont besoin d’équipements et de médicaments. Alors que nous sommes dans une situation dramatique, des tentes, des vêtements, des médicaments restent stockés dans des hangars ; l’un d’eux a été entièrement détruit dans un incendie le 29 novembre dernier Il est du devoir des pays donateurs d’exiger la transparence quant à l’utilisation des fonds versés. Qu’ils ne se laissent pas berner par les “visites organisées” de camps spécialement aménagés à cet effet.
André Métayer