Lors de son passage à Diyarbakir le 30 avril dernier, la délégation des Amitiés kurdes de Bretagne a rencontré, au siège du BDP (Parti pour la Paix et la Démocratie) où elles ont un bureau et pour certaines une activité politique, un groupe de femmes, toutes d’origine et confessions différentes, représentatives de la diversité et de la richesse du mouvement qui puise ses racines depuis le commencement de la lutte de libération du peuple kurde.
Ce mouvement, le DOKH (en turc : Demokratik Özgür Kadın Hareketi – le Mouvement démocratique des Femmes libres) a été créé par les femmes engagées dans cette lutte, à commencer par celles qui étaient “dans la montagne” (combattantes du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More).
La plus connue d’entre elles est bien sûr Sakine Cansiz, assassinée à Paris le 9 janvier avec ses camarades Fidan Dogan et Leyla Saylemez. Sakine a marqué le mouvement des femmes et a montré le chemin à suivre déclare l’une des porte paroles du mouvement.
Koma Jinen Bilind (KJB – Haut Conseil des femmes)
En 1993, les femmes au sein de la guérilla kurde se sont organisées au sein du “Haut Conseil des Femmes” (KJB). Le KJB comprend des organisations de femmes, celles qui sont ” dans la montagne”, celles de la société civile dans les quatre parties du Kurdistan et celles qui vivent en exil dans d’autres pays. Le KJB est un système autonome et confédéral de femmes au sein du KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More (Union des Communautés du Kurdistan) qui se base sur les principes de l’idéologie de la libération de la femme et du confédéralisme démocratique. Autrement dit, les femmes s’organisent elles mêmes au sein de la lutte pour construire une société libre et au sein de la guérilla pour développer leur propre projet et représenter entre elles leur propre autodétermination.
(extrait de la brochure “autonomous women’s organizations and struggle in Kurdistan” du Centre d’information du Kurdistan de Hambourg).
Pour ces femmes, la modernité et les perspectives démocratiques, elles le doivent à Abdullah Ocalan qui a développé ces concepts ainsi que ceux de l’écologie et l’égalité des sexes. C’est avec respect qu’elles parlent de Sayin Öcalan. C’est, disent-elle, Sayin Öcalan qui a voulu la création de ce mouvement et qui fustige le sexisme :
le sexisme, qui contamine l’ensemble de la société, forme avec le nationalisme, le positivisme et la religion les piliers idéologiques de l’Etat-Nation. La femme est donc vue à la fois comme objet sexuel et comme une marchandise. Elle est un outil pour la préservation du pouvoir masculin et peut, au mieux accéder au statut d’accessoire de la société masculine et patriarcale.
Le mouvement des femmes sur tous les fronts
La femme a une place active dans le mouvement kurde. Le KJB brasse des femmes de tous partis, avec une tendance à gauche, qui luttent pour l’égalité des sexes. Confessions et ethnies diverses cohabitent sans heurts :
notre mouvement pèse beaucoup sur les décisions au sein même du parti BDP. C’est nous qui choisissons nos candidates pour les mairies ou pour être députée. A l’ouest, nous sommes présentes dans 60 villes. Nous sommes impliquées dans les syndicats, dans la vie sociale, les activités autour de l’artisanat, et bien entendu dans la célébration du 8 mars (la Journée internationale des Femmes). Nous organisons des conférences avec les ouvrières en milieu rural afin de connaître leurs problèmes. Nous avons lancé, ces trois dernières années, beaucoup d’actions revendicatives dont une campagne, appelée “génocide féministe”, contre les crimes d’honneur, le viol et les violences conjugales.
En avril dernier, lors de la rencontre avec la délégation des AKB, elles étaient sur tous les fronts : défense du quotidien, préparation de la manifestation du 1er mai, préparation de la première conférence sur le Moyen-Orient (Diyarbakir 31 mai – 2 juin) autour de 3 thèmes : la femme, la vie, la liberté (jin, jiyane, azadi) en collaboration avec le DTK et le BDP. Pour ces femmes, leur combat est pris au sérieux et possède une force inégalée. Trois militantes ont été assassinées à Paris, des combattantes sont tombées martyres, 50% des militantes sont en prison, mais la lutte continue : les femmes détenues ont montré leur détermination en participant massivement aux grèves de la faim. Pour ces femmes, on ne doit pas parler de processus de paix mais de dialogue :
nous voulons la paix avec une certaine dignité. Ocalan l’a dit : ce n’est pas la paix pour les Kurdes que nous voulons mais la paix pour tous les peuples, pour toutes les minorités victimes de la répression.
Lætitia Boursier