La frontière avait été bouclée et l’armée turque tentait de repousser les Kurdes de l’autre côté. Tout à coup, la montagne fut secouée par le tonnerre des tirs d’artillerie irakiens. Les réfugiés qui se trouvaient à l’avant de la file paniquèrent et firent un bond en avant, les soldats turcs ouvrirent le feu. Je tombai à plat ventre dans la boue spongieuse et étreignis le sol jusqu’à ce que les tirs aient cessé. Puis je me relevai lentement et regardai autour de moi.
«Vous avez tué ma fille ! », hurlait une femme à proximité, « Nous avons fui Saddam, seulement pour trouver la mort sous votre mitraille ! »
Nous étions pris au piège entre les deux plus puissantes armées du Moyen-Orient et il semblait n’y avoir aucune échappatoire.
L’Harmattan vient de publier en français le roman “Quand les montagnes pleurent” de Gharbi Mustafa :
c’est un roman autobiographique qui raconte sa jeunesse au Kurdistan d’Irak à l’époque de Saddam Hussein. Les aventures et mésaventures du jeune Hamko à Mossoul, la discrimination, l’endoctrinement du Baath à l’école, l’enrôlement forcé, et l’effroyable exode des Kurdes dans les montagnes turques en 1991. Ce roman passionnant nous raconte toute la question kurde à travers le regard d’un jeune garçon, et résonne étrangement avec l’actualité.
Ses premiers amours, aussi :
j’entrai dans le cercle, je pris sa douce main dans la mienne, et dansai comme s’il n’y avait pas de lendemain, bras contre bras, hanche contre hanche, épaule contre épaule. La musique entêtante et l’ivresse de la danse m’encouragèrent à passer à l’étape suivante, celle consistant à serrer trois fois la main de la fille – ce qui signifie « tu me plais ».
Gharbi M. Mustafa
Gharbi M. Mustafa est professeur d’anglais à l’Université de Dohuk (Kurdistan irakien). Il s’est investi dans la défense des femmes yézidies et, des rencontres de celles qui ont échappé à l’Etat islamique, il a écrit “What Comes With the Dust, Goes With the Wind”, une fiction¸ mais tellement proche de la réalité, sur les atrocités commises sur les Yézidis par l’Etat islamique :
il transporte le lecteur dans la vie des personnages. Vous ressentez leur chagrin, leur peur et leur envie de vivre en toute sécurité où ils ont vécu pendant des milliers d’années.
Célia Mercier
Célia Mercier, traductrice de l’ouvrage, journaliste free-lance, a été primée par Ouest-France, lors du 23e prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre. En 2003, elle découvre le Pakistan et l’Afghanistan et décide d’y rester. A Islamabad, elle travaille pour Libération et Le Soir. Elle a aussi réalisé des reportages télévisés, depuis les rave parties de Karachi jusqu’aux talibans de Swat. Elle a publié en 2011 chez Flammarion “Brûlée à l’acide”, le témoignage d’une jeune Pakistanaise, Naziran, vitriolée par son propre mari et, en avril 2016, “Evadée de Daech : ils nous traitaient comme des bêtes”. Elle signe, fin 2016, dans la revue française “XXI”, le reportage “Passeurs de vie” sur les réseaux qui, bravant la terreur, œuvrent à la libération des milliers de civils retenus en otages par l’Etat islamique :
ils sont la première ligne de front, celle que personne ne voit.
André Métayer