On a trouvé le coupable idéal, un Kurde ! Chacun y va de son couplet accréditant complaisamment la thèse d’un règlement de compte interne au PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, un règlement de compte entre terroristes… L’affaire est bouclée. Circulez, la cause est entendue.
Les organisations kurdes n’arrivent pas à se faire entendre. Leurs dénégations devraient pour le moins interpeller les commentateurs un peu curieux : l’homme écroué n’est pas kurde, n’est pas membre du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et sa famille est connue en Turquie pour appartenir à la mouvance d’extrême-droite. Discret, peu connu de la communauté kurde, dont il s’était rapproché que très récemment, il avait réussi néanmoins à déjouer la vigilance des responsables associatifs. Toute idée d’un règlement de compte interne est catégoriquement rejetée : “c’est un assassinat politique exécuté d’une façon très professionnelle” affirme dans un communiqué le Centre d’Information du Kurdistan de Paris. Depuis les monts Qandil, Murat Karayilan, président du Conseil exécutif du KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More, dément formellement l’appartenance de cet homme au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More) et le journal turc Hürriyet (quotidien conservateur de centre-droit tirant à 500 000 exemplaires) fait de curieuses révélations : l’homme écroué a effectué plus de dix séjours en Turquie ces dernières années et aurait séjourné, à l’insu de sa famille, à Ankara du 22 au 30 août 2012 avant de regagner Paris. Son oncle ankarien et la police turque chercheraient à connaître son emploi du temps. Pour les Kurdes, il n’y a pas de doute : il s’agit bien d’une opération d’infiltration et l’assassinat de ces trois militantes kurdes ferait partie d’un plan d’élimination des dirigeants du mouvement kurde, révélé par Zubeyir Aydar, membre du comité exécutif du KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More. Une recrudescence d’agressions contre de jeunes Kurdes et contre des locaux associatifs dans différentes villes européennes (Moscou, Vienne, en Autriche, Mulhouse, Avignon et surtout Genk, en Belgique, le 16 janvier dernier) font monter l’inquiétude.
“Toutes les pistes restent ouvertes” précise le procureur
“La France, qui ne saurait tolérer aucun trouble à l’ordre public sur son sol, fait la preuve ainsi de son entière détermination à faire toute la lumière sur cet acte odieux”, avait affirmé le ministre de l’Intérieur Manuel Valls qui s’était rendu sur place dès le jeudi 10 janvier au matin et le parquet de Paris ouvrait immédiatement une information judiciaire. Deux hommes sont arrêtés et l’un d’eux placé en garde à vue, dans le cadre de cette opération menée par la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire et la section antiterroriste (SAT) de la brigade criminelle parisienne. Dès le 21 janvier, le procureur de Paris, François Molins, tenait une conférence de presse, livrant un minimum de détails suffisants pour satisfaire la pression médiatique et justifiant la thèse d’un règlement de compte interne avec une mise en examen, “d’un ressortissant turc de 30 ans qui dit appartenir depuis deux ans au PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, organisation considérée comme terroriste dans de nombreux pays”. “L’individu est susceptible d’être le ou l’un des auteurs des faits”, précisait encore le procureur confirmant le placement en détention provisoire au motif “d’assassinats commis en lien avec une entreprise terroriste et participation à une association de malfaiteur en vue de préparer ces crimes”.
Le procureur n’a visiblement pas tout dit et laisse à penser que des investigations, plus approfondies, plus complexes sont en cours :
on peut dire à ce stade de l’enquête que O. G. est bien l’auteur des faits, même si aucun mobile n’a pu être déterminé a ce stade de l’enquête. Toutes les pistes restent ouvertes quant aux motifs de ce triple assassinat.
La thèse d’un règlement de compte ne pourrait être, en fait, qu’un paravent permettant ce travail sérieux qu’on attend de la justice française. Nous voulons connaître la vérité : quels sont les vrais mobiles ? Quels sont les commanditaires ? L’enquête ne fait que commencer. Elle doit aller à son terme, quelles que soient les implications politiques qu’elle révèlera.
Sit-in devant le siège du CIK
A l’instar des Mères d’Istanbul, les femmes kurdes de Paris ont décidé de se rassembler tous les mercredi à 14h devant le siège du CIK, 147 boulevard La Fayette, en hommage aux trois militantes kurdes assassinées et pour réclamer que toute la lumière soit faite.
André Métayer