Dans le cadre d’une opération policière menée à Diyarbakir, de nombreuses personnes ont été interpellées le 22 mai dernier, dont 18 mises en garde à vue. Il s’agit principalement de responsables de deux organisations de femmes, l’Association des femmes Rosa, qui lutte activement contre la violence envers les femmes et le Mouvement des Femmes libres (TJA). Le TJA a été créé après la fermeture administrative en 2016 du Congrès des femmes libres (KJA) qui incarnait la mobilisation féminine depuis février 2015. Le KJA était né de la transformation en congrès du Mouvement démocratique des Femmes libres (DÖKH), bien connu des AKB.
Sur les 18 personnes interpellées, 14 ont été mises en détention et 4 ont été remises en liberté sous contrôle judiciaire. Toutes sont accusées de terrorisme, sans plus de précision. Les AKB connaissent particulièrement deux d’entre elles : Ayla Akat Ata, membre fondatrice de l’Association des femmes Rosa, qui a été remise en liberté sous contrôle judiciaire et Gülcihan Şimşek du TJA, qui connait à nouveau la prison de Diyarbakir.
Ayla Akat Ata
Ayla Akat Ata, avocate, fut très tôt sur tous les fronts : association turque des Droits de l’Homme, Fondation TOHAV (avocats et défenseurs des droits humains), Göç-der (aide aux populations déplacées en « exil intérieur »), Plate-forme démocratique des Femmes de Diyarbakir. Elue députée de Batman en 2007, elle est interpellée et mise en détention en 2010 puis réélue en 2011. Le 3 janvier 2013, elle est à Imrali, comme avocate d’Abdullah Öcalan dans le cadre du processus dit de “résolution” (de la question kurde). Empêchée de se présenter aux élections législatives de 2015, elle est élue porte-parole du TJA. Interpellée en compagnie notamment de Gültan Kışanak, lors de la manifestation du 26 octobre 2016, elle est jetée en prison le 31 octobre pour “appartenance à une organisation terroriste”. Elle est libérée au bout de sept mois, en mai 2017 et reprend ses activités militantes à la direction du TJA et au sein de l’Association des femmes Rosa. Ayla Akat Ata est venue à Rennes en 2008 où elle a fait un tabac.
Gülcihan Şimşek
Les AKB connaissent Gülcihan Şimşek depuis 2005 : “si nous n’avions pas rencontré Mme Gülcihan Simşek, maire DEHAP de Van Bostançi, si nous ne l’avions pas écoutée ni visité avec elle Bostaniçi, quartier de réfugiés à la périphérie de la ville de Van, nous serions repartis avec une vision faussée et assez paradisiaque de Van” note Sylvie dans son carnet de voyage. En avril 2007, nous faisions part, dans un courrier adressé à l’ambassadeur de France à Ankara, de notre préoccupation à la suite du contact avec Gülcihan Şimşek, qui ne nous avait pas caché qu’elle recevait des menaces, les difficultés à exercer les responsabilités de maire, les exactions et les poursuites dont elle, mais aussi ses autres collègues maires, faisaient l’objet. Après ses deux mandats de maire, elle est interpellée en mise en détention à Diyarbakir puis à Midyat. Toujours dans l’attente d’un jugement, elle est remise en liberté conditionnelle en 2014. Durant ces cinq années, les AKB ont lancé des appels, des pétitions en sa faveur et entretenu une correspondance régulière, des échanges ô combien riches d’enseignements et d’émotions. Mais la prison n’a pas brisé cette femme. Militante, avant tout contre la violence faite aux femmes et contre la pauvreté, elle participe, comme vice-présidente du DBP, à la Journée internationale des femmes le 8 mars 2017 à Van. Le 23 octobre 2018, elle accepte, comme représentante du KJA, de répondre à une interview de Kurdistan au féminin, “une des rares”, selon le site, à accepter qu’on publie son nom. 22 mai 2020 : retour à la case prison.
André Métayer