Ce matin, aux premières heures de la matinée, ce n’est pas l’annonce d’un nouveau texte venant limiter les droits sociaux des travailleurs turcs qui est venu réveiller les responsables syndicalistes mais des interventions policières. Les sièges des grands syndicats ont été, en effet, perquisitionnés à Ankara, Istanbul et Diyarbakir notamment, mais aussi à Adana, Batman, Mardin, Van, Erzurum, Hakkari, Mus, Mersin, Sirnak, Izmir, Urfa, Gaziantep et Hatay. Les opérations continuent, 137 personnes sont déjà en garde à vue, dont Canan CAGLAYAN, l’une des secrétaires du K.E.S.K. (Confédération des syndicats de fonctionnaires) Interpellée à son domicile. D’autres syndicats sont visés, comme TUM BEL-SEN, le syndicat des services municipaux affilié à l’Internationale des services publics (ISP), ou SES, le syndicat des services de Santé. Le nombre de syndicalistes qui, au terme d’une garde à vue, seront mis en détention n’est pas encore connu.
Le prétexte à ces arrestations est encore et toujours le démantèlement du KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More (Union des communautés kurdes) soupçonnée d’être la branche politique du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More (Parti des travailleurs du Kurdistan) et accusée vouloir se substituer aux institutions officielles dans l’est et le sud-est anatoliens afin de favoriser l’insurrection dans ces régions.
Mais le secrétaire général du KESK, I. H. TOMBUL, avance une autre explication : ces interventions policières auraient été planifiées pour désorganiser la préparation des cérémonies qui seront organisées le 8 mars, journée mondiale de la femme.
6200 incarcérations depuis 2009
Les compteurs s’affolent et il est de plus en plus difficile de suivre le rythme effréné de la répression : ” Depuis 2009, 700 personnes, selon le gouvernement, et 3.500 dont des députés, des intellectuels et des maires, selon les milieux kurdes, ont été incarcérées pour collusion avec le KCK” annonce l’AFP, toujours en retard dans l’actualisation des chiffres. Selon les rapports de l’Association turque des Droits de l’Homme (IHD), il y eut en 2009 7 718 arrestations dont 1 923 emprisonnements et 7 100 arrestations dont 1 599 emprisonnements en 2010. Les chiffres pour 2011, encore provisoires et ne portant que sur les dix premiers mois, donnent pour la seule région kurde 5 331 arrestations dont 1 589 emprisonnements. On pouvait donc en déduire que le nombre de prisonniers politiques en détention provisoire depuis 2009 était, au 31 décembre 2011 de l’ordre de 5 500. Mais ces chiffres sont déjà dépassés D’après les agences de presse Firat et Dicle “1092 personnes ont été arrêtées entre le 1e janvier et 11 février 2012, soit en moyenne 26 par jour…205 personnes dont au moins 25 enfants ont été arrêtées au cours de onze premiers jours du février, parmi eux figurent un enfant de 10 ans arrêté à Diyarbakir le 11 février, des élus, des journalistes, des femmes activistes et des étudiants. Dans aucun pays du monde, même les plus répressifs comme Syrie, on ne voit autant d’arrestations politiques”.
6200, c’est le chiffre avancé par les organisations kurdes : ce sont 6200 membres actifs du Parti pour la paix et la démocratie (BDP) qui se trouvent aujourd’hui derrière les barreaux, dans le cadre de l’affaire KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More, lancée en avril 2009, quelques semaines après le succès historique du parti kurde lors des élections municipales.
André Métayer