Une délégation composée de membres de l’IHD (Association des Droits de l’Homme) et de Mazlumder (Association de Soutien aux Victimes) s’est rendue hier, [30 décembre 2011] dans la région où 38 personnes ont été tuées par les bombardements de l’armée turque.
La délégation appelle au soutien des ONG locales et internationales, et demande au comité des droits de l’homme des Nations Unies d’envoyer une délégation sur place.
Suite aux observations et aux témoignages qu’elle a recueillis dans les villages de Gülyazi (Bujeh) et d’Ortasu (Roboski), la délégation a établi un rapport préliminaire et appelé les médias turcs à ne pas se limiter aux déclarations officielles et à transmettre à l’opinion publique des informations objectives et véridiques, conformément à l’éthique de la presse.
Les personnes tuées pratiquaient de la contrebande d’essence et de produits alimentaires. Ce commerce transfrontalier est pratiqué depuis des années au vu et su des gendarmes qui le toléraient, voire, le favorisaient.
Témoignage de Haci Encü
“Le 28 décembre, à 16h, notre groupe composé de 40 à 50 personnes a franchi la frontière avec l’Irak.
Nous n’avons pas informé la gendarmerie, mais celle-ci était de toute façon informée de nos allées et venues. Notre objectif était de ramener du sucre et de l’essence. Lors de notre départ, nous avons entendu les drones qui nous survolaient, mais comme nous faisions régulièrement ce trajet, nous avons continué notre route.
Le soir, vers 19h, nous avons chargé les mulets et nous sommes mis en route pour le retour. Vers 21h, nous avons atteint la frontière. Nous étions dans les alpages de notre village, ceux-ci sont situés sur la ligne frontalière.
A ce moment-là, il y a eu un tir de fusée éclairante suivi de tirs d’obus. Nous avons alors laissé notre chargement de l’autre côté de la frontière.
Tout de suite après, les avions sont arrivés et ont commencé à bombarder. Nous étions deux groupes séparés par 300 à 400 mètres de distance.
Le premier bombardement à tué un groupe de 20 personnes. Nous avons alors fui de l’autre côté de la frontière. Les avions ont commencé à larguer leurs bombes sur les personnes restées entre les rochers. J’étais dans un groupe de six personnes. Seules trois ont survécu. Nous portions nos vêtements de tous les jours, nous n’étions pas armés. Les bombardements ont duré près d’une heure. Nous sommes entrés avec nos mulets dans un petit cours d’eau. Après une heure, nous nous sommes réfugiés sous un rocher.
Vers 23h, nous avons entendu les voix des villageois…”
Observations de la délégation
Le rapport fait état de corps brûlés et mutilés et mentionne l’utilisation de munitions hautement destructrices et incendiaires.
Les personnes tuées et blessées sont toutes des civils. […]
Les militaires postés dans la région connaissaient les victimes et étaient informés de leurs activités de contrebande. […]
Contrairement aux déclarations officielles, les faits ne se sont pas produits dans la région de Sinat-Haftanin. Lors des bombardements, un groupe était du côté turc et l’autre sur la ligne frontalière.
Après les faits, aucune institution publique n’a cherché à prendre les corps. […] Les villageois ont ramené les corps, par leurs propres moyens, dans le village de Gülyazi.