La résistance kurde est légitime mais elle dérange. Elle trouble la quiétude du monde occidental qui croyait avoir réglé le problème avec les accords de Lausanne du 24 juillet 1923 dont les bénéficiaires furent les Britanniques, les Français et les Turcs.
On croyait que les Kurdes, ces “Turcs des montagnes” allaient se laisser assimiler. On avait oublié que ce peuple, l’un des plus anciens de Mésopotamie, vivant principalement de l’élevage, allait, lors des plus noires périodes de son histoire, se réfugier “dans la montagne”, gardant ainsi sa langue, ses coutumes et son identité, alors que les classes marchandes et l’élite intellectuelle pactisaient avec l’envahisseur.
Dans la fable de La Fontaine, le peuple kurde aurait été plutôt roseau que chêne : “il plie mais ne rompt pas”, malgré toutes les révoltes qui se terminèrent dans le sang. Pauvres Kurdes ! Ils étaient sympathiques parce que battus, et battus parce que qu’ils étaient divisés, comme nos sympathiques Gaulois qui subirent la dure loi de la “pax romana”. Mais, fait nouveau, depuis 1984, une rébellion est née sous l’impulsion d’un chef charismatique, Abdullah Öcalan ! Et oui, et même s’il nous dérange, il est le leader d’un mouvement, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More) qui, depuis plus de vingt ans, revendique, les armes à la main, des doits culturels et politiques pour le peuple kurde. Tous les observateurs auraient dû remarquer que ce mouvement, isolé sur la scène internationale, qui ne comporterait que 3 à 4000 combattants, devrait être depuis longtemps anéanti s’il ne bénéficiait pas d’un large soutien populaire.
Öcalan, même condamné à la prison à vie et croupissant misérablement dans les geôles turques depuis 1999, dérange encore parce qu’il reste la tête pensante qui conduit une politique intelligente en tenant compte des évolutions dans le monde : oui, il a fait évoluer les revendications kurdes identitaires en ne remettant plus en cause les frontières existantes, malgré leur caractère inique, mais en faisant admettre qu’un même peuple peut vivre sur plusieurs pays et que plusieurs peuples peuvent également vivre au sein d’une même nation, pour peu qu’elle leur reconnaisse leur identité et qu’elle leur garantisse des droits culturels et politiques. C’est ce qu’on nomme aussi le fédéralisme.
Mais Öcalan, avec sa grosse moustache, ses discours redondants, son langage fleuri et ses contrepieds énerve les esprits cartésiens, trouble le jeu de la diplomatie occidentale et déstabilise la Turquie kémaliste pour qui la nation ne peut se concevoir qu’unitaire dans la “turquitude” :
heureux celui qui peut se dire turc.
La rébellion fut donc d’abord accusée d’être séparatiste, puis marxiste-léniniste et enfin terroriste.
Séparatiste, elle le fut mais cette revendication n’est plus d’actualité, sauf dans les procès intentés aux militants de partis politiques pro-kurdes ou aux maires kurdes accusés d’être “en collusion avec une organisation illégale séparatiste”. la deuxième accusation, celle d’être un parti marxiste, fait peur encore aujourd’hui, et pourtant, il n’en fut rien si j’en crois Bernard Dorin, Ambassadeur de France :
Le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More a brandi la bannière du marxisme-léninisme, non pas que la population kurde de Turquie soit communiste, ni même les chefs du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, mais pour une raison géostratégique, ajoutant qu’ Abdullah Öcalan et l’état-major du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More avaient misé sur le soutien de l’URSS pour mener à bien leur lutte armée, mais
ce calcul politique n’a pas été judicieux car le soutien de Moscou n’est jamais venu.
L’organisation très stricte et les méthodes, parfois brutales, qu’on peut désapprouver, voire condamner, furent moins le fruit d’une idéologie “totalitaire” que la résultante découlant des contraintes de la lutte armée et clandestine.
Comme toutes les luttes armées, celle-ci cessera d’être “terroriste” lorsqu’elle aura remporté la victoire. Qui se souvient que Ben Gourion était “terroriste”, que Bourguiba, Ben Bella, Nelson Mandela, étaient “terroristes”, que Jean Moulin était “terroriste”, sans oublier Guy Môquet, fusillé à 17 ans ? Mais les attentats du 11 septembre 2001 et les peurs qu’ils ont engendrées ont amené les Etats-Unis et l’Union européenne à dresser la liste des organisations terroristes et, de crainte d’en oublier une seule, ils ont décidé de ratisser large. La Turquie s’est trouvée confortée dans sa politique répressive et s’est enfoncée dans une impasse idéologique dont elle espère se sortir par la fuite en avant. Elle en appelle à la rue, avec la complicité d’une presse déchaînée, et ses organisations extrémistes tentent d’organiser des véritables pogromes anti-kurdes non seulement dans les grandes villes de Turquie mais aussi à Bruxelles, à Berlin et même à Salzbourg, en Autriche. Ses communiqués de victoire cachent mal son incapacité à vaincre.
Pourtant chacun connaît les termes d’un réglement politique qui mettrait un terme au conflit et que rappelle Kendal Nézan dans “Libé” datée du 29/10 :
- Reconnaissance dans la Constitution turque de l’identité kurde et des droits culturels, linguistiques et politiques qui s’y rattachent (enseignement et médias en langue kurde, liberté de créer associations et partis politiques kurdes……)
- Amnistie générale pour les militants du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et pour les militaires turcs impliqués dans les massacres contre les Kurdes, pour tourner définitivement le long et douloureux chapitre de la guerre et de la violence.
- Aide à la reconstruction de plus de 3 000 villages kurdes détruits par l’armée et au retour dans leur foyer de plus de deux millions de Kurdes déplacés.
J’ajouterai que seule l’organisation qu’on qualifie de “terroriste” est prête à ouvrir ces négociations et a montré périodiquement sa volonté d’aboutir à un accord politique en décrétant unilatéralement des cessez-le-feu que la Turquie rejette toujours avec dédain :
on ne traite pas avec des terroristes.
André Métayer
Rennes le 30 Octobre 2007