En abordant de front la question kurde, le gouvernement turc fait un geste pour tenter de débloquer la situation conflictuelle qui secoue le pays. Plus de 46 % de l’opinion publique turque l’approuvent. La rencontre avec le DTP suscite beaucoup d’espoirs, même si les avancées sont pour l’instant très timides. Déjà la réaction est vive dans les milieux nationalistes et l’armée fait une sévère mise en garde. Les Etats-Unis encouragent le processus, l’Union européenne tarde à se manifester et la diplomatie française semble totalement absente : “réveille-toi, Bernard, ça bouge au Kurdistan de Turquie”. Les Kurdes y croient et attendent la “feuille de route ” d’Abdullah Öcalan qui, à n’en pas douter, va rappeler que le peuple kurde est co-fondateur de la République de Turquie et que la question kurde, “ce n’est pas le séparatisme, c’est l’union libre dans une république démocratique”.
Plus de 46 % de l’opinion publique turque approuvent l’initiative de Recep Erdogan, chef du gouvernement turc et Président de l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More, parti “islamo-conservateur” au pouvoir depuis 2002, d’avoir rencontré Ahmet Türk, président du DTP, parti pro-kurde, dans le but de trouver une solution à la question kurde.
C’est déjà un grand pas envers un parti qui, hier encore, était banni au motif qu’il se refuse à dénoncer le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More comme une organisation terroriste.
Cette démarche, poussée par l’intelligentia turque et les milieux d’affaires de Turquie, attendue par les Kurdes, a le soutien du président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, et des Etat-Unis, que le CHPParti républicain du Peuple (Cumhuriyet Halk Partisi), parti kémaliste et nationaliste de centre-gauche. More, le très kémaliste parti d’opposition, nationaliste et laïque de “gauche”, accuse de vouloir imposer la “Pax romana”.
Cette initiative d’Erdogan, que les Kurdes croient sincère, est encore bien timide et refuse, pour l’instant de faire des pas décisifs vers la paix, comme envisager une amnistie générale et un amendement constitutionnel reconnaissant le peuple kurde ; elle aurait bien besoin d’un soutien large et massif des Européens, dont le silence est remarqué.
La diplomatie française semble totalement absente : pourtant la France pourrait faire bénéficier la Turquie de son expérience du passage d’un Etat jacobin à une certaine décentralisation, même si la tâche est loin d’être terminée.
M. le Ministre des Affaires Etrangères, qui connaît bien la question kurde, pourrait s’engager plus avant : il se dit “attentif” à la situation et attaché “à garantir les libertés individuelles et à protéger les droits fondamentaux de tous” mais les prisons françaises retiennent encore, depuis juin dernier, 14 militants kurdes, dont 2 femmes, parmi lesquels on trouve plusieurs réfugiés politiques, des militants du HADEP, devenu DEHAP, devenu DPT : tous ou presque ont connu les geôles turques où ils ont été cruellement traités.
La réponse de M. Kouchner aux nombreuses sollicitations lui demandant d’intervenir auprès du gouvernement espagnol en faveur Faruk Doru, a été également très décevante : “il revient aux autorités judiciaires espagnoles d’apprécier les conséquences du statut de réfugié politique en France de M. Doru sur l’instruction de la procédure en cours en Espagne” ; en langage footballistique, ça s’appelle “botter en touche”. Heureusement que la justice espagnole a reconnu le statut de réfugié politique et débouté la Turquie dont les accusations sont apparues sans fondement.
A défaut d’en prendre la tête, il serait temps que la France rejoigne le camp des démocrates qui veulent œuvrer pour une paix juste, car le combat va être rude : les propositions pusillanimes du gouvernement turc font déjà pousser des cris d’orfraies aux héritiers, de “gauche” et d’extrême droite, de Mustafa Kemal Atatürk, qui ne veulent pas entendre parler de modifications constitutionnelles : pourtant la constitution dont on parle est celle de 1982, la Turquie étant alors sous la férule d’une junte militaire qui avait pris le pouvoir illégalement, en 1980, au moyen d’un coup d’Etat.
En digne successeur, le général en chef Ilker Basbug a fait une sévère mise en garde :
“la Turquie est un Etat, un pays et une nation indivisibles dont la langue est le turc” et “l’armée ne tolèrera aucune atteinte aux fondements de l’Etat-nation et de l’Etat unitaire.”
Fermez le ban.
Les milliers de Kurdes qui se sont rassemblés à Diyarbakir et à Istanbul pour réclamer une paix “honorable” dans l’attente de réformes promises par le gouvernement, attendent aussi la “feuille de route” d’ Abdullah Öcalan, Président du Parti des Travailleurs du Kurdistan, le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More qui vient de prolonger sa trêve unilatérale jusqu’à la fin du Ramadan.
Nul doute que le prisonnier d’Imrali rappellera que le peuple kurde est co-fondateur de la République de Turquie et que l’intérêt des Turcs et des Kurdes est de vivre en se respectant mutuellement : un peuple peut vivre sur plusieurs pays et plusieurs peuples peuvent cohabiter à l’intérieur d’un même Etat, à condition que les droits culturels et politiques de chacun soient respectés : “la question kurde, ce n’est pas le séparatisme, c’est l’union libre dans une république démocratique”. (Abdullah Öcalan “ma défense” des solutions démocratiques pour la question kurde – 1999)
André Métayer
Rennes, le 2 septembre 2009