La loi française, qui prévoit de punir la négation d’un génocide, a été adoptée le 22 décembre par l’ensemble de la représentation nationale sur fond de menaces turques. On peut comprendre que l’attitude du Parlement français déplaise à la Turquie, elle qui peine à reconnaître son passé tout en se posant comme un modèle de démocratie. Pour autant les menaces de sanctions brandies par le très sourcilleux RT Erdogan peuvent apparaître disproportionnées : rappel des ambassadeurs, gel des relations commerciales, gel des coopérations culturelle, scientifique et technologique, boycott des produits français et discriminations dans les appels d’offres publics. Diantre ! La guerre est déclarée, mais les autorités françaises ne semblent pas pour autant émues de ses rodomontades :
En 2001, la France a reconnu officiellement l’existence d’un génocide arménien. Ankara nous avait promis le tonnerre et la foudre. Un an plus tard, les échanges commerciaux avaient crû de 30 % entre les deux pays, note un proche du chef de l’État pour relativiser le clash annoncé avec Erdogan. (Le Figaro, 22/12/2011)
Ce que ne dit pas le Figaro, c’est que le rapprochement entre ces deux gouvernements, complices sur le fond, se fait toujours à coup de concessions dans un domaine qui ne compromet pas le “business”. Il suffira, pour apaiser le courroux du “Père fouettard” de mettre en pratique l’accord signé par Claude Guéant et son homologue turc pour lutter contre le “terrorisme”, d’extrader quelques Kurdes et de continuer à fermer les yeux sur toutes des atteintes aux droits humains et à la liberté d’expression en Turquie. Erdogan peut donc en toute quiétude continuer à écraser la contestation démocratique en procédant aux arrestations massives d’élus, d’avocats et de journalistes.
Monsieur Erdogan, les journalistes ne sont pas vos pantins
Aujourd’hui la contestation ne vient pas seulement des Kurdes, tant les comportements pré-dictatoriaux d’Erdogan commencent à agacer :
Monsieur Erdogan, les journalistes ne sont pas vos pantins n’est pas extrait d’un samizdat clandestin publié sous la plume d’un anonyme, mais de Hasan Cemal, éditorialiste d’un journal turc à grand tirage, le quotidien populaire Milliyet. Le cheminement d’Hasan Cemal, petit-fils de Cemal Pacha, l’un des artisans du génocide arménien en 1915, mérite d’être connu : Les premiers écrits de l’historien Taner Akçam, au début des années 1990, m’ont ouvert les yeux et Hrant Dink m’a ouvert mon cœur reconnait-il lui-même. D’où sa colère quand Erdogan convoque les journalistes et les patrons de presse pour leur intimer l’ordre de servir l’État dans le cadre de la lutte contre le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et de revoir leur position au sujet des arrestations opérées dans les rangs jugés proches du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More. Loin de se ranger dans le camp des “terroristes” et de leurs amis, il estime que pour atteindre la paix, il faut déposer les armes et faire en sorte que le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More décrète un cessez-le-feu. Il n’y a pas d’autre solution. La paix n’est pas au bout du fusil. Avant de conclure, un brin désabusé : Cela vaut-il encore la peine d’écrire ce genre d’éditorial ?
Nouvelle rafle : 25 journalistes en garde à vue
Des perquisitions simultanées ont eu lieu le 20 décembre au siège du journal Özgür Gündem à Istanbul ainsi que dans tous les bureaux de l’agence de presse DIHA. 25 journalistes, parmi lesquels se trouve un journaliste-photographe correspondant de l’AFP, ont été arrêtés. L’imprimerie Gün a également été perquisitionnée et l’un de ses propriétaires arrêté. Selon l’Association turque des Droits de l’Homme (IHD), 71 journalistes sont actuellement détenus en Turquie, ce qui fait de ce pays la plus grande prison du monde pour les journalistes. Reporter Sans Frontières (RSF) proteste :
Les opérations de police en Turquie se suivent et se ressemblent : les perquisitions sont menées au mépris complet de la protection des sources journalistiques, les interpellations sont massives, ordinateurs et articles sont saisis comme autant de ‘preuves’. La question kurde ne sera pas résolue par la répression des opinions dissidentes au nom de la ‘lutte antiterroriste.
Les députés BDP comme Sebahat Tuncel et Gülten Kisanak se mobilisent et prêtent leur concours aux organes de presse pour que les journaux paraissent coûte que coûte.
André Métayer