Sebahat Tuncel, députée d’Istanbul depuis 2007, ancienne porte-parole des femmes du DPT a, lors d’une conférence de presse au Parlement à Ankara, enjoint le Ministère de la Justice d’ouvrir une enquête pour faits graves concernant la prison de Pozanti à Adana et sans plus attendre de démettre de ses fonctions le directeur :
Ce qui s’est produit est une honte pour la Turquie. Le Ministère de la Justice se doit de mettre immédiatement à pied la direction de la prison.
C’est la branche de Mersin de l’Association de Droits de l’Homme (IDH) qui a rendu publiques les déclarations de jeunes mineurs, libérés après avoir passé plusieurs mois en détention préventive pour avoir lancé des pierres sur des blindés lors des manifestations de Kurdes organisées pour demander des droits culturels et politiques. Ces jeunes ont été battus, humiliés, violés, livrés au sadisme de détenus de droit commun par une administration pénitentiaire complice ou, pour le moins, coupable de graves violations des droits de l’enfant.
HK (14 ans), incarcéré 4 mois à la prison de Pozanti :
Certains de mes camarades étaient violés de façon répétée par des “droits communs”. Parfois ils nous forçaient à retirer nos pantalons. Je ne peux en dire davantage.
AK (17 ans) :
ils nous emmenaient de force dans leur lit la nuit. Ils nous battaient. Les autorités de la prison ont toujours couvert ces incidents.
SA (17 ans), contraint de devenir indicateur et battu par la police avant d’être incarcéré :
J’ai subi des choses inimaginables ici. Les condamnés pour crimes nous passaient une corde autour du cou et la serraient. Ils nous battaient. Ils nous traitaient de terroristes et nous forçaient à embrasser le drapeau turc. Si nous refusions, ils recommençaient à nous battre. Nous avons demandé à de nombreuses occasions à être changés de quartier, mais les autorités de la prison n’ont jamais répondu. Nous ne pouvons oublier, mes amis et moi, et nous avons même honte de nous revoir.
Le journal islamo-conservateur Zaman révèle que des faits d’abus sexuels à la prison de Pozantı étaient connus officiellement depuis le 12 juillet 2011, mais que le Ministère de la Justice avait refusé d’ouvrir une enquête. Un rapport parlementaire qui demandait la fermeture de cet établissement avait noté que l’administration pénitentiaire vérifiait rarement l’âge réel des détenus et que les plus âgés maltraitaient souvent les plus jeunes.
Sebahat Tuncel, qui constate que le nombre de détenus a doublé depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More, va inscrire la question à l’ordre du jour du Parlement pour attirer son attention sur les violences sexuelles en prison. Elle lance aussi une campagne en direction de l’UNICEF pour lui demander d’apporter un soutien psychologique à ces mineurs traumatisés et de les aider à reprendre le cours d’une vie normale.
André Métayer