Nous apprenons avec tristesse et indignation que « trois rapports préparés pour la levée de l’immunité parlementaire de la députée du Parti démocratique des peuples (HDP) Feleknas Uca ont été envoyés au Parlement turc ». Nous ne nous faisons aucune illusion : si le Parlement lève l’immunité parlementaire, Feleknas Uca rejoindra en prison tous ses collègues députés HDP ayant fait l’objet de la même procédure, longue liste à laquelle il faut ajouter les maires, les militants politiques, syndicalistes, associatifs, les avocats les journalistes, les universitaires, tous et toutes accusés de « terrorisme » ou « propagande pour une organisation terroriste ».
Feleknas Uca : députée européenne en 1999 à l’âge de 22 ans
Nombre de militants des Amitiés kurdes de Bretagne ont eu la chance de rencontrer Feleknas Uca, élue députée européenne en 1999 à l’âge de 22 ans. C’est une grande figure de la diaspora kurde, née à Celle (Allemagne) en 1976. Kurde yézidie, engagée politique en Allemagne au sein du parti Die Linke, elle siège durant dix ans (1999-2019) au Parlement européen dans le groupe GUE/NGL. Très active dans les commissions, elle milite pour faire partager ses convictions en faveur de la cause kurde. Elle siège au sein de la commission parlementaire mixte UE-Turquie. En 2012, elle participe à la longue marche à travers Europe pour la libération d’Öcalan et la reconnaissance d’un statut juridique pour le Kurdistan.
Feleknas Uca prend tous les risques : elle rentre au pays
Elle est élue députée de Diyarbakır en juin 2015 (et réélue en novembre de la même année). Une délégation des AKB la rencontre le 24 mars 2016 à Diyarbakır, sur les ruines du quartier de Sur qui vient de subir un effroyable siège de quatre mois. Feleknas Uca révèle les atrocités commises par l’armée turque et dénonce la politique des gouvernants : « en détruisant Sûr, ils ont détruit le patrimoine des minorités de Turquie et donc le patrimoine de l’Humanité : ils veulent construire un nouveau Sûr, un Sûr turc ». Infatigable, on la retrouve le 6 décembre 2016 à Prague, où elle représente le HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More au congrès du Parti socialiste européen. En 2017, elle est poursuivie en justice pour « diffusion de propagande terroriste ». Réélue en juin 2018, députée de Batman, elle siège également à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Elle monte à la tribune le 24 janvier 2019, pour demander à l’APCE d’appeler la Turquie à libérer les élus kurdes emprisonnés et d’appliquer les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) concernant la situation d’isolement total d’Abdullah Öcalan. La résolution de l’Assemblée parlementaire est adoptée par 72 voix pour, 20 contre (les parlementaires turcs et azerbaïdjanais) et 8 abstentions. En avril 2018, elle rencontre Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe, pour lui réitérer sa demande d’intervention auprès du président Erdoğan pour qu’une solution soit trouvée à situation d’Abdullah Öcalan, qui a déclenché les grèves de la faim atteignant des niveaux critiques, en rappelant l’urgence à engager un dialogue avec la Turquie en vue de résoudre la situation.
Faire taire cette porte-parole de la commission des affaires étrangères du HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More
A l’approche des échéances électorales de 2023, Feleknas Uca, l’intrépide, est une voix trop dangereuse pour le président Erdoğan, en difficulté comme le montre les sondages, pour la laisser en liberté. Ne laissons pas agir ce président dictateur. Ne le laissons pas museler la démocratie dans ce pays dit « Etat de droit ».
André Métayer
Photo : Faruk Doru, Feleknas Uca et Hişyar Özsoy à Prague en 2016 au congrès du Parti socialiste européen.