Les actualités chantées de France Musique du mercredi 16 décembre avaient pour titre “Erdoğan le Magnifique”. Le président “Superdoğan” y fut brocardé par Cécile de Kervasdoué, journaliste et chanteuse lyrique et Benjamin Laurent, pianiste et compositeur, à la suite de l’accord passé entre Ankara et Bruxelles, aux termes duquel le gouvernement turc a obtenu 3 milliards d’euros de l’Union européenne pour juguler l’afflux des 2 millions et demi de migrants réfugiés en Turquie. C’est un succès pour le président-dictateur : “l’Europe, moi je m’en fiche, Je la rase comme ma barbiche, La liberté n’a pas de prix, Ce n’est qu’une vaste hypocrisie”. L’humour acide du texte et la voix de la cantatrice portent, en deux exemples chantés, une lumière crue sur une réalité aveuglante :
Mon nom est Serena Shim, Je suis libanaise d’origine, Journaliste, J’ai deux enfants, deux grands yeux noirs et ce foulard blanc.
Au mois d’octobre 2014 j’étais à Kobanê à la frontière syrienne … J’ai vu des soldats de Daesh qui passaient librement la frontière turque vers la Syrie dans des camions humanitaires estampillés programme alimentaire mondial de l’ONU… Je l’ai dénoncé en direct à la télévision iranienne et j’ai aussi révélé que j’avais reçu des menaces de la part des services secrets turcs qui voulaient m’inculper pour espionnage. Je suis morte quelques jours plus tard. En rentrant à mon hôtel, j’ai eu un accident de la route.
Serena Shim, cette journaliste américaine de 29 ans d’origine libanaise, couvrait la guerre en Syrie et plus spécifiquement la bataille entre les militants de l’EIPrétendu « Etat islamique » groupe terroriste djihadiste (anciennement « Etat islamique en Irak et au Levant »). More et les forces kurdes, non loin de la ville de Kobanê. Serena Shim rentrait à son hôtel le 19 octobre 2014 à bord de sa voiture de location, après un reportage réalisé dans la ville turque de Suruç près de la frontière syrienne, lorsqu’un plus gros véhicule la heurta, causant sa mort. Les autorités turques ont très vite déclaré qu’il s’agissait d’un simple accident. Cette mort suspecte a été occultée par les medias.
Mon nom est Tahir Elçi. Je suis un avocat d’Anatolie, militant kurde modéré pour les droits de l’homme et pour la paix.
Il y a quelques semaines, j’ai affirmé à la télévision que le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, le parti pro kurde de Turquie, n’était pas une organisation terroriste même si certaines de ses actions le sont. Un de mes amis de l’opposition kurde avait été bien plus loin, en demandant la création d’un “Etat kurde”. Il a échappé à une tentative d’assassinat, pas moi.
Tout le monde sait qu’en Turquie, Il n’y a pas de démocratie. Les journalistes sont réprimés.
Tahir Elçi, bâtonnier de Diyarbakir, a été exécuté d’une balle dans la tête le 28 novembre dernier, au cours d’une conférence de presse qu’il tenait à Diyarbakir, en plein centre historique, pour dénoncer les opérations de guerre et les atteintes au patrimoine historique qui en résultent.
André Métayer