Depuis son affrontement avec les combattants kurdes du 19 juin dernier à Şemdinli (province de Hakkari) – le plus sanglant depuis longtemps – l’armée turque a massé 10 000 soldats près de la frontière irakienne, ce qui ressemble fort à la préparation d’une action d’envergure visant à envahir le Kurdistan irakien avec l’aide logistique des satellites américains et des drones israéliens. Pourquoi se gênerait-elle ? Ses précédentes incursions en territoire irakien, au mépris du droit international, n’ont provoqué aucunes protestations, si ce n’est celle récente d’Hoshyar Zebari, ministre irakien des Affaires étrangères, pour qui les attaques aériennes turques qui se poursuivent depuis des mois sont “sans conteste une violation de l’indépendance, de la souveraineté de l’Irak et des bonnes relations entre pays voisins.”
L’expérience nous fait dire que cette guerre va se poursuivre également sur un autre terrain, celui de la guérilla urbaine : un premier attentat contre un autocar transportant des militaires s’est d’ailleurs déjà produit à Istanbul (cf. Ouest-France du 23 juin 2010).
Qui va arrêter la spirale de la violence ? L’attitude autiste de la Turquie a fini par décourager tous ceux et celles, nombreux chez les Kurdes, qui souhaitaient vraiment ouvrir des négociations de paix. Beaucoup d’ailleurs ont été arrêtés et mis en détention ; le procès de 151 d’entre eux ne va pas tarder à s’ouvrir, un procès politique du style des procès de Moscou, avec, comme objectif fixé d’avance, de lourdes condamnations. Plus rien ni personne se semble pouvoir retenir les partisans de la violence, alors que chacun répète à l’envi que la guerre ne résoudra rien.
Ce gouvernement turc qui s’est complètement déconsidéré avec l’arrestation du “groupe de la paix” et ses propositions de révision constitutionnelle qui n’apportent aucune réponse à la question kurde continue à jouir encore d’une certaine considération au niveau international : ainsi, Bernard Guetta lui-même, dans sa chronique de France Inter à caractère géopolitique, a cru devoir saluer “le coup politique audacieux et imaginatif” du gouvernement turc à qui revient le mérite, selon le chroniqueur, d’avoir fait bouger Benyamin Netanyahou dans l’affaire du blocus de la bande de Gaza : “là où la diplomatie comme la violence avaient échoué, l’intelligence politique a réussi” !
Mais, Monsieur Guetta, la politique du gouvernement turc vis-à-vis des Kurdes, c’est du Benyamin Netanyahou dans le texte ! La (fausse) diplomatie comme la violence se conjuguent en Turquie au quotidien ! Si intelligence politique il y a, le courage politique, lui, n’est pas au rendez-vous.
André Métayer