En octobre 2014, il y a à peine trois mois, Charlie Hebdo rencontrait le premier journal satirique du Kurdistan d’Irak, Sekhurma. Dirigé et fondé par Ako Ghareb, “Sekhurma est l’un des acteurs culturels et médiatiques de cette région autonome d’Irak, aujourd’hui en guerre contre le prétendu Etat islamique” écrivit Charb dans le Charlie Hebdo du 22 octobre 2014. “Il y a une guerre culturelle à mener aussi dans un contexte où nous faisons face à l’obscurantisme” ajouta Ako Ghareb. Entre les deux hommes, le courant était passé.
“Pour faire un journal satirique en Irak, faut être kurde” dit Tignous en crayonnant son dessin et lâchant, mi caustique, mi rigolard : “depuis le temps qu’ils en chient, ils ont développé l’humour”. Lucide, Ako Ghareb, s’interrogeant tout haut, lui répondit : ” Une fois que nous aurons vaincu Daesh, l’Occident va-t-il encore nous oublier ?”.
Charb rédigea un billet (“Les Kurdes nous défendent tous”) que les Kurdes, reconnaissants, brandissaient lors des dernières manifestations parisiennes.
André Métayer
Les Kurdes nous défendent tous
Je ne suis pas kurde, je ne connais pas un mot de kurde, je serais incapable de citer un nom d’auteur kurde. La culture kurde m’est totalement étrangère. Ah, si ! Il m’est arrivé de manger kurde… Passons. Aujourd’hui, je suis kurde. Je pense kurde, je parle kurde, je chante kurde, je pleure kurde. Les Kurdes assiégés en Syrie ne sont pas des Kurdes, ils sont l’humanité qui résiste aux ténèbres.Ils défendent leur vie, leur famille, leur pays, mais qu’ils le veuillent ou non, ils représentent le seul rempart contre l’avancée de l’“État islamique”. Ils nous défendent tous, non pas contre un islam fantasmé que ne représentent pas les terroristes de Daesh, mais contre le gangstérisme le plus barbare. Comment la prétendue coalition contre les égorgeurs serait-elle crédible, alors que, pour des raisons différentes, beaucoup de ses membres ont partagé avec eux (et partagent encore pour certains) des intérêts stratégiques, politiques, économiques ? Contre le cynisme et la mort, aujourd’hui, il y a le peuple kurde.
Charb, directeur de Charlie Hebdo, le 22 octobre 2014